
Selon Luc Ferry, qui s’exprimait lors de la « Cloudweek »(1), l’une des raisons réside dans l’attitude française qui privilégie la protection de la vie privée sur la satisfaction du marché. Il évoque également le manque de culture technique des élites!
Pourquoi la France n’a-t-elle pas d'acteurs majeurs du numérique comme « les Gafa » (Google, Apple, Facebook et Amazon) aux Etats-Unis ?
Cette question était au cœur du débat « opposant » l’écrivain, ancien Ministre de l’Education et philosophe, Luc Ferry, au professeur de l’université de la singularité Zak Allal (2), lors de la conférence de visionnaires qui s’est tenue le 6 juillet 2015, à la maison de la Chimie à Paris dans le cadre de la « Cloudweek ».
La « peur » des NBIC
Pour l’ancien ministre de l’Education nationale et de la Recherche, l’une des raisons réside dans la peur que suscitent les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et cognitique).
Selon lui:« Aux Etats-Unis, quand ils parlent du big data, ils pensent services rendus aux consommateurs. En France, l’on pense plutôt protection de la vie privée. Big Data est synonyme de big Brother. Résultat: les Etats-Unis ont les Gafa, la France à la CNIL. J’aurai préféré qu’elle ait les deux, car les deux sont légitimes »
Pour Zak Allal, le retard français et européen vient de la frilosité de l’esprit d’entreprise.
« Quand un entrepreneur lance son projet aux Etats-Unis, il voit tout de suite les choses en grand, observe-t-il. Il veut conquérir le monde entier et non se cantonner au marché américain. Les investisseurs le suivent dans cette ambition. En France, les entrepreneurs ont tendance à chercher à se développer d’abord chez eux. Ils ont peur de déployer immédiatement une stratégie globale et de partir à la conquête du monde. Or on ne gagne pas un match de tennis en restant au fond du court. Prenons l’exemple du cœur artificiel Carmart, une invention géniale. Je suis convaincu que si elle avait eu lieu aux Etats-Unis, elles aurait bénéficié de la couverture des grands média et du soutien des investisseurs et qu’elle aurait été un grand succès mondial ».
Le manque de culture technique des politiques.
Luc Ferry impute par ailleurs le retard de la France dans le manque de culture technique des politiques.
« Prenez n’importe quel homme politique et demandez-lui s’il sait ce que sont les NBIC, interpelle-t-il. Je ne suis pas sûr que beaucoup le savent ».
La solution serait de les sensibiliser aux nouvelles technologies et de leur impact sur la société et l'économie.
Zak Allal propose la « techno-alphabétisation » des classes dirigeantes pour éviter l’obstacle au développement du digital.
L’ancien ministre philosophe renvoie enfin le problème aux racines religieuses (catholiques notamment) et républicaines de la France.
« Dans notre culture, la recherche de la gloire par la richesse reste mal perçue, rappelle-t-il. C’est peut-être bien sur le plan moral. Mais sur le plan économique, c’est une catastrophe. En revanche, dans les religions protestante, juive ou bouddhiste, c’est la misère qui est mal perçue. Ceci explique pourquoi les nations les plus innovatrices sont aujourd’hui les Etats-Unis, la Chine, Israël et la Corée ».
L’emploi et la formation : la situation dramatique des non diplômés (ou correctement formés)
Le numérique détruit des emplois dans des secteurs traditionnels comme la presse, le livre, la musique, l’hôtellerie, le commerce ou les transports et en créer d'autres à la place.
Selon Luc Ferry, il est en train de creuser aussi l’écart entre la population éduquée et celle qui l’est moins.
« En 1960, seulement 10% des non bacheliers sont au chômage, note-t-il. Aujourd’hui, le taux atteint 50%. Les inégalités entre les deux catégories de population n’ont jamais été aussi grandes. Malheur aux non diplômés ».
(1)

« EuroCloud organise la première édition de la Cloud Week Paris du 6 au 10 Juillet 2015 ».
« Ce rassemblement d'énergies et d'initiatives autour du cloud a pour but, pendant une semaine de mêler conférences, débats et démonstrations autour de la thématique du Cloud Computing ».
(2)
Zak Allal, 27ans, est médecin et entrepreneur. Sa start-up, localisée au centre de recherche de la NASA au cœur de la Silicon Valley, est spécialisée dans la transplantation d’organes, l'espérance de vie et l’application des nouvelles technologies à la médecine. Il est également le représentant francophone de la Singularity University, créée par Google et la NASA. Elle délivre un dispositif d’éducation enseignant l’intelligence artificielle, les biotechnologies, les nanotechnologies à une élite, ayant pour mission de résoudre les problèmes du monde en matière de santé, d'environnement ou de transport. L’objectif ? Relier l’homme et les réseaux technologiques, pour reculer sans limite les frontières de la vie intelligente.
Voir :
