
La transformation digitale des entreprises bouleverse les modes d’exercice du travail. Les chefs d’entreprises et économistes divergent sur ses conséquences en matière d’organisation du marché du travail (1).
Les 15èmes Rencontres Economiques organisées par le Cercle des Economistes se tenaient le week-end dernier. La question du travail et de l’emploi y était au programme.
La question censée lancer les débats était plus que : «Et le si le travail était la solution ?» cad… Solution au chômage de masse que connaît la France avec ses 5 millions de chômeurs.
Le Cercle des économistes est parti du principe que « le temps des incantations était terminé ». De toute évidence, nos politiques d’emploi n’ont pas porté leurs fruits, et il faut les adapter aux mutations rapides de nos économies.
Que proposent les 30 membres du Cercle des économistes ?
Suite aux travaux menés pendant tout le week-end, leur déclaration finale contient 12 propositions.
Nous ne revenons ici que sur les points liés à la nouvelle économie numérique en mettant en avant par leur aspect novateur.
Quid du numérique et des charges sociales ?
Les deux sujets se rejoignent dans les propositions de la déclaration finale : créer une protection sociale propre à l’ère du numérique et de l’avènement de l’économie.
L’irruption du numérique bouleverse l’organisation habituelle du travail.
« Depuis 200 ans, la crainte face au progrès technique qui remplacerait les emplois s’est toujours révélée complètement fausse. Cette fois-ci, il y a une forte chance que ce soit différent. La technologie se substitue au travail réalisé par la classe moyenne à un rythme jamais vu auparavant, a souligné Andrew McAfee, chercheur au MIT sloan School of management, lors de ces rencontres économiques d’Aix-en-Provence.
Les industriels ne sont pas tous aussi affirmatifs.
« Plus il y aura de robots, plus il faudra d’hommes pour accueillir, être dans l’empathie», répond Augustin de Romanet, le PDG d’Aéroports de Paris, en citant le secteur du tourisme.
Pour les entreprises, le défi serait surtout d’adapter leurs organisations du travail à la nouvelle ère numérique.
Pour Laurent Mignon, le Directeur général de Natixis : «La révolution digitale est en train de changer fondamentalement la façon de travailler ». Avec le développement du télétravail, « manager ne consiste plus à voir ses collaborateurs et surveiller ce qu’ils font », estime le directeur général de Natixis.
La fin du salariat protecteur ?
Mais le bouleversement apparaît bien plus fondamental. Les plateformes internet, en facilitant la désintermédiation entre clients potentiels et ceux qui peuvent apporter un service, ont réduit l’avantage du salariat. «L’économie numérique crée des emplois qui ne seront pas forcément salariés », estime Nicolas Colin, le fondateur de l’accélérateur The family.
Etre salarié ne protège d’ailleurs plus autant qu’avant, les entreprises pouvant disparaître du jour au lendemain, balayées par l’arrivée de nouveaux entrants.
«Le salariat garde pourtant un avantage comparatif : il est mieux couvert par la protection sociale », souligne Nicolas Colin, pour qui le grand enjeu sera de réussir à étendre la protection sociale aux nouveaux emplois créés. Car, « sinon l’économie numérique continuera à progresser dans une grande injustice ».
Pour une «Uberisation» du code du travail ?
Pour certains patrons, il s’agit d’adapter les règles et le code du travail. « Le digital remet en cause certaines approches comme le salariat et accélère l’évolution de ce statut », estime Stéphane Richard, le PDG d’Orange, qui plaide pour une « uberisation du code du travail » et mise sur l’essor de l’entrepreneuriat.
Pour Laurent Mignon, «Le numérique peut-être une chance pour un pays comme la France construit sur un système très hiérarchisé. Les rigidités du travail dont on parle tant, deviendront rapidement obsolètes ».
« Remettre à plat les règles qui régissent l’organisation du travail n’est pas une priorité » :
C’est le point de vue de Guillaume Pepy, le patron de la SNCF.
« Ce ne sont pas les conventions collectives et les statuts qui empêchent la digitalisation de l’économie», juge Guillaume Pepy, qui s’inquiète de « voir une nouvelle économie qui quantitativement va détruire plus d’emplois qu’elle ne va en créer à court terme » (2).
Plutôt que de remettre en cause les règles du travail, l’enjeu pour Guillaume Pepy est d’accompagner les changements des mentalités dans les entreprises.
Ainsi, par exemple, à la SNCF, l’évolution du métier des contrôleurs, avec l’arrivée de portiques numériques est vécue par certains employés comme une déqualification.
«La question est donc : à quel rythme peut-on transformer le travail ? », résume Guillaume Pepy.
(1) Voir à ce sujet :
(2) Voir: L’étude réalisée fin 2014 par le cabinet Roland Berger
