Jean-Ludovic Silicani (Arcep) remet les compteurs à l’heure face à la fronde des opérateurs lors du DigiWorld Summit de Montpellier. La France, pas si mal placée. Une régulation trop tournée vers les consommateurs  comme le prétendent les opérateurs ?

Au Digiworld Summit de l'Idate(1), le président de l'Arcep a une nouvelle fois rejeté les protestations des opérateurs télécoms, ébranlés notamment par la vague low cost.

La vague du low cost a certes sérieusement ébranlé les règles en vigueur dans ce  secteur avec une baisse régulière des revenus et des marges des opérateurs  alors que dans le même temps, les attentes nouvelles imposent des investissements élevés (par exemple pour la 4G).

Jean-Yves Charlier, PDG de SFR indique dans une note publiée sur  Digiworld (Idate) : « On peut se demander si nous aurons la capacité à maintenir nos niveaux d'investissements à moyen terme »

En réaction Jean-Ludovic Silicani (président de l'Arcep) continue au contraire à dénoncer ces propos alarmistes : (voir la vidéo de son intervention).

 « Le secteur des télécoms en France connaît une croissance annuelle de 6% en volume, c'est bien une croissance, et c'est le secteur de l'économie française qui croît le plus vite ».

Un niveau d'investissement  exceptionnel

« Les choses sont d'autant plus rassurantes que les investissements sont élevés, 8 milliards d'euros hors achat des fréquences, c'est même le niveau le plus élevé historiquement. Si les opérateurs investissent, c'est qu'ils ont confiance en l'avenir et aux revenus générés par ces investissements. Ils n'investissent pas pour le plaisir, ces dépenses vont initier un nouveau cycle de revenus »souligne le président de l’autorité de régulation.

Jean-Ludovic Silicani admet néanmoins une baisse des revenus qui persistera en 2013, ainsi qu'une réduction des marges. « Mais celles-ci restent très confortables, 30% de marge brute » un niveau de marge que beaucoup de secteurs envieraient !

« Nous devons nous assurer que le niveau de marge des opérateurs reste suffisant pour investir », mais les marges dépendent aussi des volumes d’activité.

Et pour cela certains s’en donnent les moyens : Pour la  4G, Bouygues Telecom est comme « un lièvre qu'on a lâché » pour stimuler le marché, il faut suivre !

Yves Gassot de l'Idate  fait remarquer qu’ « On observe un vrai écart entre les Etats-Unis et l'Europe, notamment au niveau du rapport revenus/investissements. L'Europe ne fait plus la course en tête et cela se voit en matière de 4G et de réseaux de nouvelle génération ».

En réponse, le patron de l'Autorité rétorque : « Les opérateurs américains ont dû beaucoup investir en 4G car ils ont sauté la case 3G. Si on observe les dépenses sur 10 ans, on se rend compte que le niveau global est identique à celui en France où les dépenses ont été régulières. En 4G, on peut aller très vite, regardez ce qu'a fait Bouygues Telecom, sa couverture(en pourcentage de la population) est désormais égale à celle d'AT&T aux Etats-Unis ».

« Bouygues Telecom est comme un lièvre qu'on a lâché, c'est un vrai moyen de stimuler le marché et la concurrence", ajoute-t-il ».

Un soutien trop actif aux consommateurs ?

Face aux accusations sur la régulation trop tournée vers le consommateur et aux demandes de consolidation du marché, le président de l'Arcep réplique: « Veut-on comme aux Etats-Unis des forfaits haut débit à 100 euros par mois ? Veut-on prendre le risque de perdre comme aux Etats-Unis des centaines de milliers d'emplois à cause de la consolidation ? »

A propos de la « consolidation » et des opérateurs qui réclament un rééquilibrage de la régulation il souligne également « Les quatre plus grands opérateurs européens possèdent 65% du marché européen. Il y a donc bien une concentration de fait. Dire que les opérateurs européens sont des nains face aux opérateurs américains est parfaitement faux. Vodafone et Orange ont autant de clients qu'AT&T et Verizon ».

Il ajoute : « Pourquoi les opérateurs européens n'utilisent pas leur taille pour réduire leurs coûts ? Pourquoi, lorsqu'on propose que certains domaines soient corégulés, voire autorégulés, ces mêmes opérateurs viennent nous voir pour revenir en arrière car bien souvent ils n'arrivent pas à s'entendre ? »

A propos de la position la Commission européenne en terme de (dé)régulation le régulateur français :

« Accélérer le marché européen, on y adhère mais les moyens semblent contradictoires avec l'objectif. Vouloir mettre en œuvre les mêmes moyens dans des marchés et pays très différents ne fonctionnera pas. On doit admettre que pour atteindre des objectifs précis, il faut des méthodes différentes »réplique le Président de l’ARCEP  qui se déclare néanmoins en faveur de la mise en place d'un régulateur européen ayant en charge certains dossiers.

(1)   L'IDATE, anciennement Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe, créé en 1977, est un think tank spécialisé dans l’économie numérique, les médias, l'internet et les télécommunications.

Il réalise des études de marché et conduit des missions de conseil. Il propose chaque année un catalogue d'études et anime une conférence internationale annuelle, un club d'entreprises et une revue économique.

Progressivement, l’IDATE s’est muée en DigiWorld Institute.

Pour la 35e édition de son événement annuel à Montpellier (du 19 au 21 novembre), le cabinet d'études propose un programme axé sur les futurs gisements de valeur pour le secteur des télécoms et de l'Internet.

Les différentes sessions au programme de cette 35e édition du DigiWorld Summit qui s’ouvre au Corum de Montpellier peut-être suivie en direct :  http://www.digiworldsummit.com/agenda/edition-2013/

On peut également accéder au rapport annuel très complet sur ce secteur : http://digiworld.org/yearbook/fr/