Depuis les révélations d’Edward Snowden  sur les « écoutes » de la NSA et la suite des informations qui ont suivi sur les pratiques des agences de renseignement, un mot  revient sans arrêt : métadonnées.

On apprenait  ainsi en juin que l’opérateur téléphonique américain Verizon collectait des métadonnées téléphoniques.

En France dans le projet de loi militaire voté en début de semaine, l’article 13 élargit considérablement pour l’Etat français la possibilité de collecter nos métadonnées téléphoniques.

Le Washington Post nous apprend très récemment  que la NSA interceptait et stockait des métadonnées : la localisation de centaines de millions de téléphones portables dans le monde entier.

Qu’est -ce donc que ces métadonnées et quelle est la finalité des services de renseignement ?

Les services de renseignement ne sont pas tant intéressés par nos conversations téléphoniques (les données), mais par d’autres informations : à savoir qui appelons-nous, à quelle fréquence, où, et pendant combien de temps.

C’est cela qu’on appelle les « métadonnées » dans le langage du renseignement.

Pourquoi les services de renseignement  sont-t-ils tellement friands de ces informations?

Ce n’est pas qu’ils rechignent à espionner la vie privée des gens (1), c’est que les métadonnées sont encore plus instructives que les données elles-mêmes (surtout si les personnes surveillées font preuve de discrétion verbale !).

Ainsi, à l’occasion de l’affaire Snowden, la NSA a fait mine de nous rassurer: «Nous n’écoutons pas ce que vous dites, on ne vous identifie même pas d’ailleurs, jamais ne nous ferions cela, nous ne faisons que récolter des métadonnées ».

On a fini par comprendre que ces métadonnées étaient beaucoup plus intéressantes pour le renseignement que les conversations elles-mêmes.

Les services de renseignement « modernes » cherchent donc à le faire les choses à un niveau largement supérieur : dessiner des graphes sociaux, établir des fréquences, des schémas de déplacement etc.

Pourquoi tant s’intéresser à ces éléments « reformatés » ?

Si une personne ciblée est identifiée, ses relations, leur fréquence, ses déplacements … sont plus utiles que les conversations en elles-mêmes.

Mais surtout parce que cela traduit une nouvelle manière de faire du renseignement, à savoir, non plus tout connaître d’une personne préalablement identifiée, mais définir des modèles , et, à partir de ces modèles identifier des individus au comportement suspect.

Une démarche inverse de l’ancienne méthode et qui est rendue possible par l’amassement des données.

Ainsi par exemple, la NSA  localise des téléphones portables, même éteints, elle peut suivre des déplacements. En traitant ces déplacements par de bons algorithmes, on peut observer que presque tous obéissent à des modèles identifiés. Si, soudain, on observe un téléphone qui a des déplacements anormaux, ne correspondant pas au modèle, ou a encore un modèle considéré comme suspect (utiliser des trajets toujours différents pour joindre deux lieux) on pourra aller voir de plus près.

C’est cette démarche qui est utilisée pour désigner les personnes à « cibler » : ce n’est pas leur identité en elle-même, mais un comportement suspect, anormal (par rapport à la « norme» ou inhabituel.

Ces métadonnées  n’ont donc rien de mystérieux, ce sont des données comme les autres. Elles se caractérisent par une collecte massive, un traitement massif par des algorithmes ultra-puissants et leur usage dans des perspectives de surveillance généralisée.

Effrayant quand même !

(1) On pourra revoir l’excellent film allemand  (2007) "La Vie des autres" : au temps de la RDA et du soupçon.